ADOPTER UNE POLITIQUE D’INTÉGRITÉ

By | November 27, 2014

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Une entreprise internationale ne peut survivre sur le long terme si elle n’adopte pas une rigoureuse politique d’intégrité.

La corruption est un fléau qui ravage le monde car malheureusement il se nourrit d’un vice majeur de l’humanité : un appétit insatiable pour l’argent et les avantages indus de toute nature. La corruption dans le monde se chiffre en milliers de milliards d’euros et malgré tous les efforts entrepris, les chiffres de la corruption ne semblent pas s’infléchir. Tous les jours les média se font l’écho de nouveaux cas de corruption dans le monde et dans tous les domaines.

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I. Une attitude

Pour une entreprise internationale aujourd’hui, adopter l’intégrité dans son fonctionnement est la seule façon et la seule attitude responsable qui lui permettra de survivre sur le long terme. Je ne sais pas si chacun le mesure bien mais la pratique de la corruption dans les transactions des entreprises est un venin mortel qui les mine et qui peut les étouffer jusqu’à en faire disparaître certaines.

La volonté et la détermination d’un nombre croissant de pays, de renforcer et mettre en application les lois anti-corruption sont telles, qu’aucune entreprise aujourd’hui n’est à l’abri d’une investigation. Les dénonciations, les lanceurs d’alerte, les contrôles de flux financiers suspects, les parallélismes faits entre entreprises du même secteur, les moyens d’interception des communications de toute nature par les polices, les traités d’assistance judiciaire mutuelle entre les pays, les lois relatives à l’extra-territorialité, les guerres économiques, ont changé de manière drastique le degré l’occurrence du risque d’être pris en défaut.

jdl ethiconsult spi ouest france 2015 le choix de l'intégrité et de l'éthique dans les transactions commerciales De plus la nature des prescriptions en matière de corruption permet de remonter très loin en arrière dans le temps. Les entreprises, qui ne s’attaquent pas à la prévention de la corruption dans les meilleurs délais, continuent aujourd’hui de constituer des preuves qui pourront les anéantir demain ou dans quelques années. Il n’est pas besoin d’être un grand medium pour prédire que l’avenir est très sombre pour les corrupteurs et les pour les corrompus.

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Les conséquences sont pourtant dramatiques pour les entreprises en termes de coûts exorbitants des frais d’avocats, des frais d’investigation, des amendes de plus en plus lourdes, du temps passé par le management, de la déstabilisation de l’entreprise, de la mobilisation des équipes sur les enquêtes. A cela peut s’ajouter l’exclusion de certains marchés ou la perte de capacité de financement de la part des banques de développement multilatérales. Les conséquences sont aussi profondément destructrices en termes d’image et de réputation.

Une entreprise normale qui a un objet social normal n’est jamais organisée pour faire de la corruption. Un investigateur qui détient 80% d’une information au travers de perquisitions et d’enquêtes est nécessairement mieux armé que le salarié le plus intelligent qui n’en détient que 20%. L’entreprise a pour mission de développer des produits ou des services et de les vendre à partir d’une organisation appropriée avec des salariés normaux. Elle n’a pas vocation à corrompre, à tricher ou à biaiser.

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Faire le choix de l’intégrité en instituant une vraie culture d’intégrité à tous les niveaux de l’entreprise est salutaire en termes de performance, car dans cette option l’entreprise n’aura d’autre alternative que de s’appuyer, sur ses atouts et ses ressources propres, et à les valoriser.  Ces atouts sont représentés par son savoir-faire, sa technologie, sa créativité, ses capacités d’innovation, ses ressources humaines, ses capacités à développer des technologies nouvelles et à produire différemment avec des sources d’approvisionnements et de fabrication novatrices. Les équipes techniques, commerciales, financières sont aussi contraintes à se mobiliser davantage pour se concentrer sur l’essentiel et proposer les meilleures offres, les meilleurs délais, les meilleurs conditions de financement, tout en éliminant les coûts d’intermédiaires couteux, risqués et souvent inutiles.

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II. Un objectif

Pour une entreprise, opter pour l’intégrité, n’est pas un fait acquis inscrit dans l’ADN. Il ne faut pas oublier qu’en France, jusqu’en 2000, la corruption d’agents publics étrangers était admise. Depuis cette date, les changements de comportement des entreprises se sont effectués à un rythme plus ou mois rapide après les transpositions en lois de la convention OCDE sur la corruption d’agents publics étrangers. Cependant aujourd’hui encore, résister à l’extorsion et au chantage de la part de fonctionnaires puissants mais indélicats, nécessite beaucoup de sang froid, de volonté et de courage.

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L’objectif à atteindre doit donc nécessairement comporter une détermination sans faille affichée au plus haut niveau de l’entreprise comprenant:

-L’impulsion au sommet de la part du Président Directeur général, du Conseil d’Administration et du Comité Exécutif.

-Une équipe dédiée à l’éthique et à la conformité dotée de moyens appropriés et disposant de l’autorité et de l’indépendance nécessaires. Un accès ou mieux un rattachement direct avec la direction générale ou le Conseil d’Administration est un gage sérieux de cette détermination.

-L’établissement d’un Code d’Ethique fondé sur les valeurs de l’entreprise.

-L’introduction d’un processus analytique permettant d’examiner dans le détail les risques majeurs auxquels l’entreprise peut être confrontée. Ce processus doit tenir compte du business modèle spécifique de l’entreprise englober une analyse fine et exhaustive de ces risques.

-La mise en place d’instructions, couvrant un large périmètre, relatives aux relations avec les consultants, les agents et les intermédiaires, les fournisseurs et les contractants divers, aux Cadeaux et à l’Hospitalité, aux Contributions Charitables, aux Contributions Politiques, au Sponsoring, à la gestion des Joint Venture et Consortia, aux Conflits d’Intérêts, aux Paiements de Facilitation…

-Des formations variées et adaptées aux divers participants en soutien d’une large communication en interne, dans toutes les ramifications de l’entreprise en France et à l’étranger, ainsi qu’en externe pour expliquer et afficher ouvertement la politique d’intégrité de l’entreprise à tous ses partenaires.

-La mise en place de dispositifs d’alerte éthique

-Le recours régulier à des Audits et à des contrôles

-L’application ferme de sanctions en cas de manquements caractérisés à la conformité. Dans une entreprise, l’absence de sanctions fortes et immédiates est toujours un mauvais message, la sanction par l’exemple ayant des vertus curatives.

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Toute entreprise devrait comprendre que le coût de la mise en place d’un programme de compliance, aura de vraies chances d’être rentabilisé rapidement. A contrario, il ne le sera jamais pour une entreprise qui serait contrainte de se faire imposer la mise en place d’un tel programme,  à la suite d’investigations par des autorités judiciaires.

En complément, les entreprises doivent afficher des ambitions raisonnables et des objectifs réalistes qui sont compatibles, avec l’abandon de certains marchés, auxquels conduit nécessairement une politique d’intégrité appliquée avec rigueur et détermination. L’intégrité doit nécessairement aussi trouver sa place dans les objectifs individuels fixés aux représentants des forces de vente.

Pour une entreprise internationale, cette vision est la seule à adopter pour survivre dans le long terme et constitue pour ceux qui l’adoptent avec honnêteté, un gisement de performance opérationnelle. Cette assertion est déterminante car elle touche le cœur même des opérationnels, qui sont plus qu’hermétiques à des propos moralisateurs sur l’éthique, mais sont particulièrement sensibles à tout facteur d’accroissement de la performance. L’intégrité constitue aussi un élément de différentiation avec ses concurrents dont la portée ne peut que s’accroitre dans le temps du fait des exigences de la société actuelle.

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Le Service Central de Prévention de la Corruption (SCPC) – remplacé aujourd’hui par l’Agence Française Anticorruption (AFA) – a émis en mars 2015 les ” Lignes Directrices Françaises visant à renforcer la Lutte contre la Corruption dans les Transactions Commerciales”. Ces lignes directrices sont particulièrement utiles pour les entreprises françaises qui cherchent à mettre en place des Programmes d’Intégrité ou de Conformité.

Lignes Directrices Françaises émises par le SCPC

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III. Un exemple

Les entreprises internationales doivent nécessairement faire appel à des partenaires, dont notamment des intermédiaires commerciaux, qui ont objectivement pour certains d’entre eux, les attributs de produits nocifs et dangereux. Ils présentent des risques majeurs pour les entreprises qui font appel à eux et qui ont le plus souvent des difficultés à les contrôler ou à imaginer la perversité de certains circuits de corruption indirecte.

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Les solutions pour protéger les entreprises contre la corruption dans leurs relations avec les intermédiaires existent cependant. L’exemple concret ci-dessous, qui s’inscrit dans une notion d’encerclement du risque, porte sur la maîtrise de 5 maillons fondamentaux dans la chaîne de décision préalable à l’appointement d’un intermédiaire :

-1) un intermédiaire est-il vraiment nécessaire ou peut-on s’en passer ? S’il est indispensable, comment s’opère le choix de cet intermédiaire, quelle personne nommément désignée dans l’entreprise le connaît, le recommande et pourra signer qu’à sa connaissance, l’intermédiaire sera en mesure de respecter les lois anti-corruption ? Quel est le rôle exact de cet intermédiaire ? Quel montant en valeur absolue, de préférence à un pourcentage, lui sera réglé ? Il est par ailleurs indispensable de rencontrer physiquement les interlocuteurs de l’entreprise impliqués dans cet appointement, au travers d’une réunion formelle, pour les faire parler, s’expliquer et pour les challenger sans concession, sachant que c’est dans ce maillon clé que se décide le recours à la relation contractuelle

-2) une due diligence impitoyable incluant l’obtention d’informations précises sur l’intermédiaire, étayée par des dossiers documentés établis par des sociétés extérieures spécialisées et reconnues

-3) un avis donné par un comité due diligence, indépendant, composé d’au minimum 3 personnes qui juge sur pièces le dossier de due diligence et statue sur l’objection ou la non-objection de travailler avec l’intermédiaire. Cette décision doit obligatoirement être prise à l’unanimité des participants

-4) un accord formel incluant des clauses de rupture contractuelle en cas de non-respect des exigences anti-corruption et prévoyant des droits d’audits financiers

-5) un contrôle des paiements à effectuer à l’intermédiaire qui doivent être conditionnés à la fourniture de preuves de services rendus irréfutables.

 

La grande majorité des problèmes actuels de corruption rencontrés par les entreprises se trouveraient pratiquement éliminés si la gestion de ce risque était maîtrisée de cette manière. Mettre la tête dans le sable à l’époque actuelle est totalement irresponsable compte tenu des risques existants et si par malchance les sables sont mouvants, le corps entier peut y passer.

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IV. Un vœu

La justice doit participer à sa façon à la régression de la corruption, mais d’une manière qui soit en cohérence avec tous les acteurs engagés qui s’efforcent de la prévenir. A cet égard le travail du Service Central de Prévention de la Corruption en France est des plus utiles pour sensibiliser, soutenir, informer et aiguillonner les entreprises très en amont.

Quelques idées mériteraient d’être méditées:

Les corrompus et l’enrichissement personnel devraient être davantage punis que les corrupteurs. Ils profitent de leur fonction ou de leur position, souvent au sein de l’administration publique, pour s’enrichir personnellement ou pour le compte de proches, en pratiquant l’extorsion et le chantage.

-La corruption aura du mal à être vaincue si la corruption passive n’est pas, au moins voire davantage sanctionnée que la corruption active. A cet égard la convention OCDE aurait pu être améliorée dès son origine.

-Les sanctions et les amendes envers les entreprises devraient être proportionnées pour ne pas mettre en péril les entreprises elles-mêmes. Même si les grosses amendes appliquées par certains pays, ont l’apparence de la vertu par l’exemple, elles ne devraient pas pouvoir être suspectées de participer à l’affaiblissement des entreprises au travers de la guerre économique ou à la réduction des déficits des états.

-Sauf cas extrême, les poursuites pénales à l’encontre des Compliance Officers sont totalement contre-productives. Elles représentent un vrai danger pour le développement nécessaire de cette nouvelle profession qui se cherche et s’organise. Elles pénalisent injustement ceux qui ont contribué à changer radicalement la culture d’une entreprise et à faire appliquer des décisions courageuses et difficiles. Elles découragent ceux qui seraient prêts à s’engager dans cette voie et rendent les nouveaux venus moins efficaces, puisqu’ils renonceront à assumer des responsabilités qu’ils jugeront excessives. C’est cependant parce qu’ils ont un vrai pouvoir d’objection qu’ils peuvent agir avec efficacité pour bloquer certaines décisions contraires à  la conformité.

-Les entreprises qui ont mis en place un programme d’intégrité exemplaire, sincère  et robuste devraient en retirer un bénéfice et en cas d’investigations, disposer d’une clémence significative pour la période correspondant à la mise en place progressive de ce programme d’intégrité voire d’un abandon conditionnel des poursuites. Il faut comprendre qu’une vraie culture d’intégrité ne peut se construire en quelques mois et qu’un programme d’intégrité complet, cohérent et efficace ne peut se bâtir en quelques jours.

-Enfin la France devrait s’engager davantage dans la voie de l’extra-territorialité pour être en mesure d’entreprendre, avec plus de symétrie, ses poursuites internationales, dans un environnement de guerre économique mondiale toujours plus exacerbé.

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Petit-Déjeuner débat du 30 novembre 2011 chez Gide Loyrette Nouel

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30 novembre 2011

 

Intervention de Jean-Daniel Lainé

Le risque de corruption dans l’entreprise : nouvelles règlementations, nouveaux enjeux

 

Monsieur le ministre, mesdames, messieurs,

Après la brillante présentation de monsieur le ministre Hubert Védrine, je vais modestement vous attirer sur un terrain de sports équestres qui sent le crin et la sueur.

jdl-ethiconsult-sports-equestres-les-risques-de-corruption-dans-lentreprise-preventigationJe vous demande l’indulgence car je suis encore novice dans ma fonction, n’ayant que 6 ans d’expérience et étant autodidacte en la matière. Mais pour être un responsable de l’éthique et de la conformité dans une grande entreprise, il suffit d’avoir un peu de bon sens et surtout beaucoup de courage. L’éthique n’est ni du cosmétique, ni du synthétique, ni de l’étiquette, comme la conformité n’est ni du confort, ni du conformisme.

S’agissant du risque de corruption dans l’entreprise, ma présentation pourrait se résumer à une seule phrase. Les entreprises n’ont qu’une seule option possible : celle d’avoir une vraie politique éthique et de se conformer strictement aux lois internationales. Je vais cependant aller un peu au delà de cette phrase.

Adopter l’intégrité

Décider d’avoir une politique d’intégrité et l’appliquer fermement ne va pas de soi. Il faut avoir l’intime conviction de son bien-fondé, et pour, l’appliquer, une détermination et une persévérance sans limites. Car il faut convaincre de multiples et larges réticences. Cela n’a rien de naturel, car l’intégrité n’est pas nécessairement dans l’ADN de toutes les entreprises. Dans certaines entreprises, il faut choisir délibérément de transformer la culture et d’entreprendre une véritable mutation intellectuelle. Dans d’autres, plus matures sur ces questions, il faut anticiper les changements futurs dans les comportements et règlements éthiques.

Adopter l’intégrité, ne peut être une posture de circonstance, mais une posture d’identité. Il faut modifier la culture pour changer la récolte. Faire de l’intégrité un projet et un programme mobilisateur est à mon sens la seule option pour une entreprise, qui soit viable sur le long terme, en matière de performance opérationnelle, financière ou sur le plan de la réputation.

Ne pas y souscrire résulte d’un raisonnement à courte vue et d’un aveuglement irréfléchi. Ce n’est pas une question de morale, car dans l’entreprise ce mot est contesté par nombre de responsables focalisés sur la croissance de leurs ventes et leurs résultats immédiats.

Le monde continue de changer rapidement et le propre de toute entreprise est de s’y adapter. Toute grande entreprise rassemblant des milliers de salariés et agissant dans des dizaines de pays est par nature ouverte au monde et constitue une proie pour ses démons dont la corruption n’est pas le moindre.

La corruption qui, avant 2000 en France faisait partie de la panoplie des aides à l’exportation est aujourd’hui bannie et jugée comme le plus redoutable des fléaux. A cet égard le printemps arabe a mis en valeur le rejet de la corruption par les différentes populations.

Il est essentiel de bâtir un argumentaire robuste en faveur de l’intégrité dans un objectif d’adhésion partagée par tous et faire preuve sans relâche de détermination, de patience et de pouvoir de conviction.

Un argumentaire

Comment construire cet argumentaire ? En premier lieu, les entreprises ne peuvent tenir un double langage. Il y a donc une logique élémentaire de communication à appréhender. Comment faire une distinction entre la corruption publique et la corruption privée ? Comment faire une différenciation entre la petite et la grosse corruption ? Comment pourrait-on dresser la liste des pays où la tolérance envers la corruption serait plus lâche qu’ailleurs à partir d’un indice présupposé de corruption ? Aucune entreprise ne peut échapper à ces questions qui doivent faire l’objet de réponses claires.

Ensuite il faut convaincre qu’accepter l’extorsion conduit à être confronté à davantage d’extorsion. Il n’y a pas d’autre alternative que de casser ce cercle vicieux : refuser fermement l’extorsion est la seule option possible, même si ce refus peut conduire à perdre des marchés sur le court terme. Accepter l’extorsion c’est aussi tricher, et tricher conduit à la facilité, à l’inhibition des talents individuels et tue la créativité. Tricher est une posture de court terme qui génère de la suspicion et de l’opacité au sein des équipes alors que la réussite de ces dernières serait décuplée dans un climat de confiance et de transparence. Tricher est un vrai métier, et ce n’est certainement pas celui de l’entreprise. Tricher ne peut être toléré dans la vie de l’entreprise comme le dopage ne peut l’être dans le sport. Un contrat doit se gagner par ses mérites propres. A cet égard, Il est essentiel de responsabiliser les salariés et de leur donner les outils leur permettant de résister aux tentations multiples dans un environnement où la corruption est souvent rampante.

Ce constat mène à une réflexion de bon sens : pourquoi ne pas s’inscrire résolument dans une dynamique éthique, pourquoi ne pas adopter une politique ferme dans le domaine de l’intégrité sachant que, in fine, la performance n’en sera que meilleure ? Car la performance est évidemment compatible avec l’intégrité, comme le profit l’est avec la bonne gouvernance. Choisir le respect de la conformité, c’est de facto réduire radicalement les risques d’extorsions et les mauvais comportements et donc par voie de conséquence les risques de corruption. Afficher ouvertement sa politique d’intégrité représente une aide incomparable dans ce combat vis à vis de l’extérieur.

L’entreprise doit se concentrer sur ses ressources propres, ses atouts spécifiques et ses métiers de base : la technologie, l’innovation, la qualité, la compétitivité, la conformité contractuelle – en respectant les cahiers des charges et les délais -, l’expertise dans les processus de fabrication, d’achats et de ventes et le service aux clients. Comment pourrait-on exiger des salariés qu’ils donnent le meilleur d’eux-mêmes s’ils ont le sentiment que le jeu est biaisé ?

Mettre tout le monde en selle au service de l’intégrité est difficile, car il faut y entraîner tous les salariés, jusque dans les coins les plus reculés de la planète où exerce l’entreprise. Cette ambition est cependant mobilisatrice et chacun à sa place dans l’entreprise doit être conscient de sa mission d’être un acteur de l’intégrité.

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Une culture d’intégrité se construit dans la durée et l’entreprise, qui en fait sa priorité absolue, bénéficiera très rapidement d’un avantage distinctif compétitif. Il est plus valorisant de construire sa différentiation par l’optimisation de ses atouts que de s’atteler à rechercher les moyens les plus efficaces pour tricher. Quel investisseur aujourd’hui désirerait investir dans une entreprise non-éthique?

En réalité, toute entreprise, si organisée soit-elle, n’est pas en mesure de répondre à tous les appels d’offres qui se présentent et des arbitrages sont logiquement effectués en fonction des chances de succès liées à la technologie, aux délais ou à la compétitivité. Il faut donc ajouter à cette liste l’éthique et la conformité comme critères majeurs dans la décision de suivre ou non un projet. Si un contrat ne peut être obtenu sans une compromission avec les règles d’intégrité, il est impératif d’y renoncer le plus rapidement possible.

Les enjeux en cas de mauvaises pratiques

Mais quels sont par ailleurs les enjeux en cas de non-respect des règles d’intégrité? Les lois anti-corruption sont de plus en plus rigoureuses et sévèrement appliquées dans de nombreux pays. Le Foreign Corrupt Practices Act (FCPA) aux USA a plus de 30 ans d’existence et la convention OCDE relative à la corruption plus de 15 ans. La corruption d’agents publics est un crime et puni comme tel. La période de flottement du début des années 2000 est aujourd’hui révolue et il est devenu essentiel de s’approprier toutes les dispositions des lois, règlements et recommandations en la matière. De nouveaux moyens existent désormais pour condamner les entreprises insouciantes dans un nombre croissant de pays. Les entreprises qui n’ont pas perçu ce changement radical s’exposent à de dures déconvenues.

Les procureurs s’écrivent et se parlent par le biais des assistances judiciaires, les banques ont le devoir de signaler tout paiement suspect dans le cadre de leur prévention contre le blanchiment d’argent. Certains pays ont renforcé leur loi sur l’extra-territorialité. Les polices ont des moyens d’investigations informatiques ou téléphoniques de plus en plus performants, ont les capacités de suivre les flux financiers dans la plupart des banques dans le monde et savent utiliser tous les ressorts que procurent des perquisitions étendues. Pour une entreprise, le risque d’être pris en défaut s’est donc accru de manière exponentielle et, ce qui était considéré comme un risque possible, a de fortes chances de devenir un risque certain. Les amendes peuvent être considérables et atteindre des centaines de millions d’euros. Des peines de prison peuvent également être prononcées à l’encontre d‘individus, comme cela s’est déjà produit aux USA.

Avec le UK Bribery Act, la responsabilité des dirigeants d’une entreprise peut désormais être mise en cause pour non-assistance à la prévention de la corruption, avec le FCPA, elle peut l’être pour ignorance volontaire ou aveuglement conscient dans les comportements. Les banques de développement peuvent exclure les sociétés de tous les appels d’offres financés par celles-ci pendant plusieurs années, s’il s’avère qu’elles ont enfreint les lois. Tout est devenu plus transparent aujourd’hui et la puissance des réseaux sociaux, comme leur relais dans les médias n’est plus à démontrer. J’ajouterai que le climat ambiant de déficit public incite les administrations judiciaires à ponctionner fortement les entreprises prises en défaut.

La corruption est aussi considérée comme une atteinte grave à la libre concurrence. Les grandes entreprises internationales sont donc devenues des cibles de prédilection par de multiples acteurs engagés dans la lutte contre la corruption. A tel point qu’il conviendrait par souci d’équilibre, de cibler aussi les pays qui pratiquent l’extorsion. Le G20 devrait exiger que de nombreux pays disposent d’une ligne d’alerte au plus haut sommet de l’état, à l’instar de ce qui existe dans les entreprises, pour permettre de mieux détecter les irrégularités ou les conduites contraires à l’éthique et à la conformité. Pour éradiquer la corruption, il ne suffit pas de s’attaquer aux entreprises, il faut aussi regarder du côté des états.

S’agissant des lois et des règlementations, je soulignerai que toute entreprise internationale n’a pas d’autres choix que de s’aligner sur les dispositions les plus contraignantes que sont en particulier le FCPA, le UK Bribery Act ou les lois françaises, dont on parle peu, mais qui disposent de nombreux textes permettant de condamner les entreprises pour violation des principes de la convention OCDE.

Ceci étant dit, il est important de définir les fondamentaux d’une politique d’intégrité dans une entreprise.

  • D’abord le ton au sommet : les chevaux se conduisent par la bouche. Il faut que le conseil d’administration ou la direction générale s’engagent avec détermination en faveur d’une politique d’intégrité, fondée sur les valeurs qui correspondent le mieux à l’entreprise et la mettent en application.

  • Il faut créer un service en charge de l’éthique et de la conformité ayant les moyens et les ressources adaptés, qui dispose d’une autorité incontestable, d’une crédibilité reconnue et d’un rattachement lui permettant d’agir avec indépendance.

  • Il faut enfin bâtir un programme d’intégrité robuste, clair et complet : disposer d’un code d’éthique, traduit dans les principales langues de l’entreprise, d’instructions relatives aux politiques de l’entreprise dans le domaine de la prévention de la corruption comme : les conflits d’intérêts, les cadeaux, invitations et hospitalité, les contributions politiques et charitables, les relations avec les consultants commerciaux, le lobbying, le sponsoring, les joint ventures et les consortium, les paiements de facilitation etc. Des procédures solides et facilement applicables sur le plan opérationnel doivent les compléter. Des formations nombreuses et adaptées doivent être effectuées dans les pays où l’entreprise exerce ses activités. Des contrôles et des audits doivent être mis en place à intervalles réguliers. Une ligne d’alerte doit permettre la remontée, par les salariés ou des tiers, des mauvais comportements.

  • Ce programme peut utilement être vérifié et jugé au travers d’un dispositif de certification. Cette initiative permet d’afficher le choix de l’entreprise en faveur de l’intégrité, de disposer d’un référant pour se comparer aux autres, de vérifier que les procédures correspondent aux meilleurs standards internationaux et de disposer d’un stimulant interne mobilisateur au service de l’éthique et de la conformité.

En réalité, l’éthique n’est pas l’affaire d’un service, mais celle de tous les salariés qui doivent se sentir personnellement responsables. Chaque décision dans une entreprise doit être pensée et prise à l’aune de l’éthique et de la conformité.

Le combat permanent pour prévenir la corruption dans une entreprise consiste en priorité à dompter les deux grandes chaînes à risques : la chaîne des ventes et celle des achats. Il ne faut pas hésiter à utiliser tous les moyens de prévention et de contrôles lors des processus décisionnels où les risques de corruption sont les plus élevés. Dans le cas des intermédiaires commerciaux notamment, l’entreprise doit disposer des moyens pour procéder à des contrôles et à des vérifications comme ceux que l’on réserve aux meilleurs chevaux : recherche des antécédents, de la réputation, des qualités et des défauts, contrôles multiformes les plus poussés.

Une conclusion

Pour conclure dans l’esprit équestre, il m’apparaît qu’il y a une franche similitude entre, l’application d’une politique d’intégrité et l’entreprise d’une part, et entre le cheval et le cavalier de saut d’obstacles d’autre part. Si le cavalier ne regarde pas loin devant lui, le cheval ne sautera pas comme il faut ou refusera l’obstacle. Il faut une vraie vision en termes d’éthique et de conformité, en regardant loin devant soi et en la faisant partager et adhérer par tous les salariés.

jdl-ethiconsult-jean-daniel-laine-sports-equestres-programme-dintegrite-risques-de-corruption-dans-lentreprise-selle-eperons-cravache-rennesEn permanence, les rênes doivent être maîtrisées, tantôt serrées, tantôt plus lâches. Sur un parcours d’obstacles, la vigilance doit être de chaque instant : en équitation, il faut être toujours en mouvement et jamais au repos, il faut anticiper et ne pas avoir d’œillères. Les jambes doivent s’enrouler comme il convient pour accompagner le mouvement, l’assiette doit être bien placée et contribuer au mouvement en avant. De la même manière, il faut faire preuve d’attention constante pour veiller à l’application d’un programme d’intégrité et renforcer de manière continue les contraintes afin d’obliger chaque salarié de l’entreprise à rester dans une sphère vertueuse. Il s’agit notamment des procédures à respecter, des audits, des contrôles, des formations voire des certifications à entreprendre.

Les éperons et la cravache doivent être utilisés à bon escient pour accélérer le mouvement et sanctionner si nécessaire. De la même façon, l’entreprise doit se doter d’une politique de sanctions appropriées et justes.

Conduire une politique d’intégrité, c’est conduire un cheval en tenant les rênes avec la pression des doigts requise, dans une attitude que décrit la citation, « tenir un oiseau dans le creux de sa main, sans trop serrer pour ne pas l’étouffer, sans trop l’ouvrir pour ne pas le laisser s’envoler ».

Je vous avais promis que le terrain sentirait le crin et la sueur.

Lien sur le Compte-Rendu de Gide Loyrette Nouel

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